40 associations d’immigrés signent un appel en faveur du droit de vote des étrangers

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40 associations d’immigrés signent un appel en faveur du droit de vote des étrangers
Sylvia Zappi – Le Monde du 18 mars 2000

Elles réclament la réforme pour 2001

UNE QUARANTAINE d’associations d’immigrés ont lancé, jeudi 16 mars, un appel en faveur du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales et européennes. Représentant plusieurs communautés étrangères vivant en France – Marocains, Algériens, Tunisiens, Turcs, Noirs africains, Chinois, mais aussi Portugais et Espagnols -, ces associations ont annoncé la création d’un collectif baptisé « Un résident, une voix ». A la veille des Assises de la citoyenneté, qui se tiendront samedi 18 mars à la Grande Arche de la Défense, à l’initiative du gouvernement, ce collectif veut éviter que cet événement, conçu comme le lancement d’une nouvelle politique de lutte contre les discriminations raciales, ne « fasse l’impasse sur l’une des plus importantes discriminations, le droit de vote ». « Si le gouvernement veut lutter contre les discriminations, il faut aller jusqu’au bout : la citoyenneté ne doit pas être limitée à la nationalité mais raccordée au lieu de résidence », assure Nabil Azouz, secrétaire général de la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR). Cette initiative vient compléter l’appel du collectif « Mêmes droits, même sol, même voix » ( Le Monde du 2 octobre 1999), qui a reçu le soutien de 500 élus, et souhaite « faire entendre la voix des immigrés eux-mêmes ».

PÉTITION NATIONALE

Une pétition nationale en direction des immigrés sera remise le 1er juillet, date du début de la présidence française de l’Union européenne, à Jacques Chirac et à Lionel Jospin. « Nous leur demandons de prendre une initiative constitutionnelle accordant le droit de vote aux niveaux communal, cantonal, régional et européen. Pourquoi un Belge, arrivant en France, a le droit de voter et pas moi, Tunisien installé depuis dix-sept ans en France ? », interroge M. Azouz.

S’appuyant sur le rapport du Parlement européen, adopté en septembre 1996, préconisant « l’octroi du droit de vote, au moins aux niveaux local, régional et européen » aux résidents installés depuis « au moins cinq ans dans l’Union », ainsi que sur les recommandations du Conseil de l’Europe, les initiateurs du nouveau collectif veulent combattre « une conception fermée de la citoyenneté ». « Avec le traité de Maastricht, c’est une Europe des castes qui s’est mise en place, où certains étrangers bénéficient de plus de droits que d’autres », remarque Nourredine Malhoul, responsable de l’Association des travailleurs marocains en France (ATMF).

Le collectif, soutenu par le Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti) et les Verts, a lancé également un appel « à tous les démocrates » pour que ce débat sur le droit de vote aboutisse dès les élections municipales de 2001. Il prévoit ainsi d’organiser un concert, le 10 mai, afin de rappeler aux partis de gauche que le droit de vote faisait partie du programme de François Mitterrand dès 1981.

Rappelant que pas moins de quatre propositions de loi ont été déposées ces derniers mois par les partis de la majorité plurielle, les associations d’immigrés attendent du gouvernement qu’il prenne « cet engagement en respectant ses propres valeurs », explique Umit Metin, de l’Association des travailleurs de Turquie. « Le racisme ne doit pas être un prétexte pour qu’on nous refuse ce droit. »

Jusqu’à présent le premier ministre est resté sourd aux exhortations de ses partenaires, en estimant que le sujet n’était « pas mûr ». Lors de son déplacement à Tokyo, le 18 décembre, Lionel Jospin avait estimé : « On a trop reproché à François Mitterrand de jouer avec cela. Moi, je ne le ferai pas. » (Le Monde du 21 décembre). Plusieurs ministres socialistes, dont Mme Aubry et M. Chevènement, se sont déclarés favorables à cette réforme. Soulignant la nécessité d’une modification constitutionnelle préalable, ils estiment impossible de la réaliser avant l’élection présidentielle de 2001.

Sylvia Zappi